Ni pauvre ni soumis, juste handicapé

Le collectif "Ni pauvre, ni soumis", regroupant une centaine d'associations, organise samedi une grande manifestation. Deux ans après la marche de mars 2008, il dénonce à nouveau la précarité des personnes handicapées. Jean-Marie Barbier, président de l'Association des paralysées de France, explique au JDD.fr leurs revendications.

Comment est né le mouvement "ni pauvre ni soumis"
En 2007, le candidat élu Nicolas Sarkozy avait fait la promesse d'augmenter de 25% l'AAH (Allocation adulte handicapé, versée aux personnes atteintes d’un taux d'incapacité de 80 % ou plus, ndlr). Or, à la fin de la même année, en regardant les budgets, il n'y avait qu'1,1% de hausse prévue pour 2008… Nous craignions donc que les promesses ne soient jamais tenues. D'où cette mobilisation historique.

Une mobilisation qui a porté ses fruits puisque ces 25% devraient être atteints en 2012. Pourquoi manifester ce samedi?
Quatre jours avant la manifestation de 2008, le chef de l'Etat avait en effet réaffirmé qu'il tiendrait sa promesse. En moyenne, l'AAH a été revalorisée de 2,2% deux fois par an, et si on continue effectivement à ce rythme jusqu'en 2012, on devrait arriver à 25% au bout du compte. Mais ce n'est pas suffisant.

Que demandez-vous?
Nous demandons depuis très longtemps un véritable "revenu d'existence", équivalent au Smic environ, pour que les personnes handicapées ne soient pas condamnées à subsister - toute leur vie - très en dessous du seuil de pauvreté. Le montant de l'AAH sera de 696 euros au 1er avril quand le seuil de pauvreté est évalué à 909 euros… Nous souhaitons aussi que l'AAH cesse d'être calculée sur le montant des ressources du conjoint, ce qui crée une dépendance intenable dans un couple. L'AHH est aujourd'hui un revenu d'assistance. Nous voulons un revenu sur lequel on cotiserait, qui rende les gens autonomes et citoyens.

Vos revendications portent aussi sur la santé…
Oui, on a grevé le budget des personnes handicapées avec le forfait hospitalier, les franchises médicales, les déremboursements de certains médicaments considérés comme de confort alors qu'ils ne le sont pas pour ces personnes-là. A cela s'ajoute l'augmentation du prix des mutuelles. De plus en plus d'handicapés s'en privent, sans avoir la CMU puisque le seuil de revenu exigé est juste en dessous de celui de l'AAH. Les enfants, eux, ont été exonérés de franchise puisqu'ils souvent malades et parce que les familles auraient trouvé le contraire injuste. Mais les handicapés sont plus souvent malades encore! On a du penser qu'ils ne se feraient pas entendre…

Vous parlez d'autonomie, où en est l'insertion professionnelle?
D'abord, nous avons été blessés par le discours présidentiel autour de la valeur travail. Avec des formules comme "travailler plus pour gagner plus", on a stigmatisé les personnes qui ne peuvent simplement pas travailler. Ensuite, il y a encore trop de difficultés dans l'accès à l'emploi, du fait d'un manque d'aménagements. Les entreprises manquent de profils qui correspondent à leur besoin, car il n'y pas assez de formations physiquement accessibles aux handicapés par exemple. Résultat, leur taux de chômage n'a pas beaucoup baissé. Il reste deux fois plus élevé que dans le reste de la population.

Quel a été l'impact de la crise?
Les handicapés ne sont pas les premiers licenciés puisque leur insertion dans une entreprise, qui nécessite souvent des efforts, est considéré comme un investissement. Mais leur recrutement n'est pas prioritaire non plus en période de crise. Or, le gouvernement a donné un signal très négatif à cet égard: 6000 petites entreprises en difficulté, qui ne respectaient pas les quotas d'emploi, ont été exonérées de cotisation au fond d'aide. Mais, si le problème était économique, pourquoi ne pas avoir aidé toutes les PME, au lieu de primer les mauvais élèves? Enfin, la création du RSA n'a pas profité aux handicapés. Leurs revenus ne sont pas cumulables avec leurs allocations. Ils en sont déduits. J'avais discuté de ce problème avec Martin Hirsch mais le ministre du Budget n'a pas mis un seul euros sur la table. Et aujourd'hui, c'est lui qui devient notre ministre, ce qui ne nous rassure pas. On en est à notre 4e ministre en 3 ans. Nous avons à peine le temps d'expliquer qu'il faut passer au suivant.

Vous attendez une forte mobilisation samedi?
Ce ne sera sûrement pas aussi spectaculaire qu'en 2008. A l'époque nous avions mis en place une logistique pour aider les personnes à se déplacer, dont nous n'avons plus les moyens. Mais je pense que nous serons tout de même plusieurs milliers, à Paris et dans une vingtaine de villes.

 

SOURCE : lejdd.fr

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